Juarez, le règne de la terreur

Juarez, trouve rarement sa place parmi les unes des quotidiens français. Pourtant, la ville mexicaine est le terrain d’un affrontement sans répit entre narcotraficants et forces de l’ordre. Depuis 2008, les morts se comptent par milliers. La récente accalmie sera l’occasion pour nous de revenir sur la triste histoire de cette ville maudite.

Ciudad Juarez, ville maudite.
Ciudad Juarez, ville maudite. ©searchcc/wikimedias

« C’est injuste de terminer avec une balle dans le ventre ou dans la tête sans que personne ne demande justice pour vous. » Luz del Carmen Sosa, journaliste pour “El diario”, journal de Juarez.

A Juarez, ville frontalière des États-Unis, cette situation est bien courante. La guerre entre cartels fait rage, et mourir aux mains des narcotraficants est chose commune. Rien qu’entre 2005 et 2011, 10 500 riverains (simples civils ou individus liés aux cartels) ont été retrouvés morts, victimes des cartels. Police et administration sont longtemps restées inactives face à la situation. Nombreux ont été les cadavres découverts en plein jour, au beau milieu d’une rue. Or, les enquêtes leur étant consacrées ce sont toutes avérées expéditives, avec à leur solde, “au mieux”, l’arrestation de la mauvaise personne, “au pire” aucune arrestation. Ce manque d’efficacité des forces de l’ordre, ne s’explique pas par un manque de moyens mais plutôt par une corruption omniprésente. Corruption qui n’est pas seulement présente dans les affaires impliquant les cartels. Effectivement, depuis les années 1990 Juarez est également le terrain d’innombrables féminicides, jamais élucidés, illustrant un peu plus le manque de réactivité dont fait preuve la police locale. Ces divers faits divers, guerre des cartels et féminicides confondus, ont valu à Ciudad Juarez son fameux surnom de “ville la plus dangereuse au monde”.

 Juarez ou le règne de l’impunité.

A Ciudad Juarez, les cartels sont rois soutenus de près par les responsables politiques locaux ainsi que la police. Officieusement, ce sont donc les narcotrafiquants qui dirigent cette ville sans craindre aucune conséquence judiciaire. Ils tuent n’importe qui, n’importe où et n’importe quand. Le bilan ? 7 300 tués en trois ans, 100 000 maisons abandonnées et plus de 10 000 orphelins” explique Julian Leyzaola, chef de la police à Juarez dans une interview accordée au Pointhttp://www.lepoint.fr/monde/terreur-a-ciudad-juarez-18-06-2011-1343370_24.php. Si le bilan est lourd, c’est sans compter les nombreux disparus, morts ou non.

Le simple fait de naître femme représente un danger en soi.

Cependant, les cartels ne sont pas les seuls responsables de ce triste surnom. Depuis 1993, les meurtres et disparitions de femmes à Juarez sont légion. Entre 1993 et 2003, pas moins de 300 femmes ont été retrouvées sans vie ou portées disparus. Là encore, peu de recherches sont faites par les autorités locales pour arrêter ces criminels. Les suppositions sont multiples : les cartels pourraient en être responsables mais il pourrait aussi s’agir de deux tueurs en série. Des suspects ont été arrêtés et si tout semble les innocenter, la police ne s’en préoccupe guère.

Un nouvel espoir ?

La situation paraissait fatidique, pourtant depuis 2012 Juarez semble revivre. Si l’envoi par Calderon -ancien président méxicain- de l’armée sur place s’est révélé être un cuisant échec stratégique, entraînant une forte hausse des assassinats, la criminalité a nettement baissée depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir d’Enrique Pena Nieto. Revirement de situation, la police s’est récemment montrée plus ferme vis à vis des narcotrafiquants provoquant une importante baisse des actes criminels. En outre, plusieurs chefs de cartels ont été traduit en justice. El Chapo Guzman dirigeant du cartel de Sinaola (rival du cartel de Juarez) a été arrêté en février 2014 peu de temps avant l’arrestation en octobre de Vicente Carillo directeur du cartel de Juarez. Ces arrestations ont et auront un impact retentissant sur la baisse de la criminalité à Juarez. D’ores et déjà la ville semble revivre. Restaurants, bars et discothèques ont réouverts, le couvre-feu aboli. Néanmoins, cette trêve laisse les habitants penseurs : est-ce la fin d’une ère ou une simple accalmie?

Manifestation à Juarez. ©searchcc/wikimedias
Manifestation à Juarez. ©searchcc/wikimedias

Par Aude Solente.

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